9 - Fais gaffe à mon immunité, salope !

Publié le par Billy Rubin

Fais gaffe à mon immunité, salope !
 
Une fois toutes ces informations digérées, j’ai eu une grande discussion philosophique avec ma copine sur le thème : « Tous les hommes ne naissent pas libres et égaux, ils essaient vainement de le devenir. »  Anne, ma copine qui étudie la science sérieusement,  me dit que le bagage génétique de chaque individu devrait être identique mais que l’évolution des espèces se fait par mutations successives et qu’une grande variabilité se produit dans ces mutations. Certains guérissent spontanément de l’attaque d’un virus et subissent gravement celle d’un autre type. Nous possédons logiquement tout ce qu’il faut pour nous défendre sauf quand des altérations génétiques se sont produites en nous. Nous sommes constamment en devenir depuis la naissance de la vie. 
A la suite de cette discussion, Anne m’a donné des livres et des textes extraits de revues portant sur l’immunité. Ça ne s’avale pas comme « les Veillées des Chaumières » mais c’est assez passionnant lorsqu’on fait l’effort de comprendre. J’arrive à mieux comprendre la recherche sur les nouvelles thérapies à partir du fonctionnement de l’immunité. Je vais essayer de t’expliquer la chose, accroche-toi bien.
Les cellules des organismes supérieurs (dits eucaryotes) ont un noyau qui contient de L’ADN, un patrimoine héréditaire. Lorsqu’une cellule se divise, elle recopie l’ADN de façon à fournir une nouvelle molécule d’ADN à chacune de ses deux cellules filles. Cependant en cas d’erreur, ou, lorsqu’un des brins d’ADN est sectionné, par exemple par le rayonnement cosmique, il arrive que les enzymes de réplication et de réparation de l’ADN ne recopient pas fidèlement le brin de départ. C’est une des façons par lesquelles une mutation est susceptible de survenir dans un gène et de modifier ses mots de code.  Nous possédons l’une des choses la plus performante de l’univers : le système immunitaire.
Le système immunitaire en tant que système est capable de distinguer au niveau moléculaire entre soi et non-soi. Par exemple, il est chargé de détecter les caractéristiques  chimiques des envahisseurs bactériens  et viraux (le non-soi) et d’y réagir. Autrement, ces envahisseurs viendraient à bout des ensembles de systèmes cellulaires des individus (le soi). Un système immunitaire convenablement stimulé est capable de faire la différence entre deux grandes molécules protéiques étrangères composées chacune de milliers d’atomes de carbone et ne se distinguant l’une de l’autre que par l’orientation légèrement différente  (quelques degrés) d’une seule de leurs chaînes carbonées. Et il peut également distinguer ces molécules de toutes les autres molécules et, ayant initialement acquis la capacité de le faire, conserver cette capacité. Autrement dit, il possède une mémoire.
Avant, on pensait que : dans le système immunitaire, les molécules étrangères transfèrent de l’information concernant leur forme et leur structure au site de liaison des molécules d’anticorps. Ensuite, lorsqu’elles se retirent de ce site, elles laissent une empreinte dont la forme est complémentaire de la leur et qui pourra donc par la suite se lier à toutes les molécules étrangères possédant des régions dont la forme sera identique à celle qui a laissé son empreinte. On appelait cette théorie « théorie de l’instruction » elle postulait qu’il est nécessaire de transmettre de l’information à propos d’une structure tridimensionnelle afin d’instruire le système immunitaire quant à la façon de construire la molécule d’anticorps dont la chaîne polypeptidique, en s’enroulant autour de cette structure, créera la forme complémentaire adéquate.
Il se trouve que cette théorie est fausse, celle qui prévaut aujourd’hui a été formulée pour la première fois par Franck Macfarlane Burnet[1] elle est connue sous le nom de théorie de la sélection clonale.
Selon Burnet, avant même une confrontation avec des molécules étrangères, l’organisme de tout individu est capable de fabriquer un immense répertoire de molécules d’anticorps ayant chacun un site de liaison de forme différente.
Le système immunitaire fonctionne comme un système sélectif de reconnaissance. Il sait distinguer les molécules étrangères (non-soi) des molécules de votre corps (soi) en vertu du fait qu’elles ont des formes différentes. Il y parvient en fabriquant des protéines appelées anticorps. Chaque cellule immunitaire fabrique un anticorps dont la région variable est différente de celles des autres : chaque région variable possède un site de liaison dont la forme est différente. Lorsqu’une molécule étrangère ou antigène pénètre dans l’organisme, elle ne se lie qu’aux anticorps (présents à la surface des cellules immunitaires) dont il se trouve que la forme s’ajuste à celle de certaines de ses parties. Cet ensemble de cellules se divise alors et forme des « clones », des populations de cellules semblables, portant chacune des anticorps semblables.
Lorsque l’antigène sera présenté une seconde fois, un grand nombre de copies de ces mêmes anticorps seront là pour aider à le détruire. Certaines cellules seront plus nombreuses que d’autres et reconnaîtront plus rapidement les molécules étrangères la prochaine fois que celles-ci s’introduiront dans l’organisme. Les intruses peuvent être des molécules présentes à la surface d’un virus ou d’une bactérie. Ce système est sélectif parce qu’un grand nombre de formes d’anticorps différentes, susceptibles de se lier à des antigènes, existe (chacune sur une cellule différente) avant l’entrée en scène des antigènes. Les antigènes ne sélectionnent qu’un petit nombre de ces formes d’anticorps, dont la production est alors énormément amplifiée par la division clonale des cellules correspondantes, ce qui aboutit à la présence d’énormes quantités de ces anticorps-là. Ainsi, la population d’anticorps se modifie avec l’expérience.
En résumé, si l’on injecte dans l’organisme d’un individu une protéine qui ne ressemble pas à ses propres protéines, certaines cellules spécialisées, les lymphocytes, vont réagir en fabriquant des anticorps. Ces derniers vont se lier à l’intrus en s’emboîtant sur des portions spécifiques et caractéristiques de cette molécule, appelée antigène. Par la suite, lors d’une deuxième rencontre, ces anticorps ne se lieront qu’à ces antigènes-là, de façon plus efficace encore. Le plus étonnant dans cette affaire, c’est le fait qu’une reconnaissance spécifique ait lieu même vis-à-vis des nouvelles molécules synthétisées par les chimistes organiciens, des molécules qui n’ont jamais existé auparavant, ni chez l’espèce produisant la réaction immunitaire, ni sur terre d’ailleurs.
Le système sélectif immunitaire possède un certain nombre de propriétés fascinantes. Premièrement, il existe plus d’une façon de réussir à reconnaître une forme donnée. Deuxièmement, cette façon n’est jamais exactement la même d’un individu à un autre ; autrement dit, deux individus donnés n’ont jamais des anticorps identiques. Troisièmement, le système possède une sorte de mémoire cellulaire. Suite à la présentation de l’antigène à un ensemble de lymphocytes capables de s’y lier, certains de ces lymphocytes ne se diviseront que peu de fois, tandis que les autres s’engageront de façon irréversible dans la production d’anticorps spécifiques de l’antigène, puis mourront. De ce fait, les quelques cellules qui se sont divisées sans aller jusqu’à la production d’anticorps forment alors, au sein de la population cellulaire totale, un groupe de cellules plus grand qu’il ne l’était initialement. Par la suite, ce groupe pourra réagir au même antigène de façon beaucoup plus rapide. Cela veut dire que le système présente une sorte de mémoire au niveau cellulaire.
Mais alors, me diras-tu mon cher journal, pourquoi que ce virus de merde il te pourrit le foie malgré ton beau matos génétique ? Bonne question mon gars ! Tout d’abord ce n’est pas le virus qui massacre directement le foie, ce sont les défenses immunitaires. Prenons le cas du virus de la B.
Nous savons déjà, mais il est bon de le redire que : Le virus est constitué par une nucléocapside enveloppée dont la structure résulte de l'association de :
                               une molécule d'ADN circulaire, d'une taille de 3200 nucléotides ( nucléotide : constituant de la cellule résultant de la combinaison d'un nucléoside et d'acide phosphorique), partiellement double brin résultant de l'hybridation de 2 molécules d'ADN simple brin de tailles inégales
                               une enzyme : l'ADN polymerase (douée d'une activité transcriptase reverse qui permet la synthèse d'ADN à partir d'une matrice ARN)
                               la protéine ou antigène HBc (AgHBc) (qui contient et protège l'ADN et la polymerase)
                               une enveloppe, provenant de la membrane plasmique de la cellule hôte, dans laquelle se trouve insérée la protéine majeure appelée antigène HBs (AgHBs).
Le diamètre de la particule virale complète, ou particule de DANE, est de 43 nm.
Il existe aussi 2 types de particules défectives qui peuvent être produites en excès par rapport aux particules virales complètes (c'est à dire contenant l'ADN viral). Elles sont constituées uniquement de l'enveloppe sous forme de sphères de 20 nm ou de filaments de 20 nm de diamètres et de longueur variable.
Les trois types de structures décrites ci-dessus sont sécrétées dans la circulation sanguine à partir des hépatocytes.
Ainsi, tous les produits du sang mais aussi la salive ou les sécrétions sexuelles, l'urine, le lait maternel... etc., peuvent contenir, à des concentrations variables, le virus et assurent par conséquent sa dissémination.
A partir de 1979 l'isolement et la connaissance des séquences du génome de l'HBV ont permis d'étudier très précisément la stratégie de réplication et d'expression de ce virus.
Les différents gènes viraux sont répartis (selon les 3 cadres de lecture) sur la molécule d'ADN circulaire d'une longueur de 3200 nucléotides.
On distingue :
le gène S et les régions Pre S1 et Pre S2  (La séquence des bases d’une région de l’ADN(un gène) impose la séquence des acides aminés d’une protéine particulière. C’est ce qu’on appelle le code génétique.)
                                Le gène S code pour l'antigène majeur AgHBs.
 
                                Les régions Pre S1 et Pre S2, en phase avec le gène S, engendrent la synthèse de protéines plus longues (par leur extrémité N-terminale). Elles sont retrouvées principalement dans l'enveloppe des particules de DANE et interviennent dans le mécanisme de fixation du virus sur les récepteurs spécifiques des hépatocytes.
                               le gène C et la région Pre C
                                Le gène C code pour la protéine de la nucléocapside, l'Ag HBc
                                La région Pre C en phase avec le gène C, permet la synthèse d'une protéine plus longue par son extrémité N-terminale. Cette dernière est un précurseur de l'AgHBe produit après le clivage aux 2 extrémités de la molécule (N-terminale et C-terminale).
                               L'AgHBe est un produit soluble sécrété dans la circulation périphérique.
                               le gène P code pour l'ADN polymérase
                               le gène X
Il code pour un facteur de régulation, activateur de la transcription virale par son interaction avec une séquence "enhancer", située dans la région 3' du gène de la polymérase entre les gènes S et X.
Ce facteur a également des propriétés transactivatrices relativement aux systèmes de régulation de la cellule humaine infectée.
Il est possible qu'il ait un pouvoir oncogène. (qui est responsable du développement des tumeurs)
La réplication du virus
Après la capture de la particule virale par la cellule infectée, l'enveloppe est éliminée et l'ADN viral se trouve compartimenté dans le noyau de la cellule.
La réplication du virus s'apparente alors à celle des rétrovirus par la synthèse d'un ARN prégénomique qui sera copié ultérieurement (grâce à la polymérase virale) en ADN complémentaire pendant la phase d'encapsidation (formation de la nucléocapside).
La différence majeure avec les rétrovirus réside dans l'absence d'ADN proviral intégré dans le génome cellulaire. L'ARN prégénomique est transcrit directement à partir du génome viral circulaire épisomal. (Épisome : en biologique, particule cytoplasmique de la bactérie, indépendante du chromosome).
De nombreuses études effectuées à partir de carcinomes hépatocellulaires ont montré la présence de séquences virales partiellement délétées (séparées d’un morceau) intégrées au génome des cellules tumorales. Mais le phénomène ne s'est pas révélé spécifique de ces lésions si bien qu'il n'est pas possible d'affirmer que l'intégration est systématiquement à l'origine de la carcinogenèse.
La réponse immune de l'hôte joue un rôle prépondérant dans la physiopathologie de cette atteinte. Le virus n'est pas cytolytique (il ne détruit pas les cellules), et la composante cellulaire de la réaction immune est responsable de la nécrose hépatique faisant suite à la lyse  ( destruction des cellules ou des tissus sous l’action d’agents chimiques, physiques ou biologiques ) des hépatocytes (cellules du foie) infectés. L'immunité cellulaire est dirigée contre les hépatocytes qui expriment, au niveau de leur membrane cellulaire, les protéines virales de la nucléocapside. 
Lorsque l'immunité du patient est exacerbée, on assiste à une hépatite fulminante entraînant en quelques jours la destruction du tissu hépatique.
A l'opposé, si celle-ci est défaillante, l'infection évolue alors vers la chronicité.
Dans ce dernier cas, il a été remarqué une anomalie de la sécrétion de l'interféron par les cellules sanguines mononucléaires.  Nous savons déjà que : 90 % des hépatites B sont asymptomatiques. 5 à 10 % des primo-infections évoluent vers la chronicité.
Les différentes étapes de l'infection sont suivies par des marqueurs sérologiques directs ou indirects de l'activité virale. Des tests d'immunodétection permettent de déterminer la présence des antigènes viraux AgHBe et AgHBs, et aussi la présence des anticorps anti-HBc (AcHBc), anti-HBs (AcHBs) et anti-HBe (AcHBe).
La concentration sérique des transaminases est un indicateur de la lyse des hépatocytes. Lors d'une évolution chronique, la biopsie de foie analysée par histologie ou immunohistochimie permet d'évaluer le degré de nécrose et de fibrose du tissu mais aussi la présence de l'AgHBc dans les hépatocytes.
Le schéma le plus classique consiste en une guérison rapide pendant laquelle on assiste à une séroconversion[2] d'abord du couple AgHBe/AcHBe puis AgHBs/AcHBs.
Lors d'une évolution chronique on assiste à un retard de la séroconversion AgHBe/AcHBe, celle-ci peut être retardée de plusieurs mois à plusieurs années. La séroconversion AgHBs/AcHBs ne s'opère pas ou bien très tardivement.
Les lésions hépatiques irréversibles se constituent pendant la phase de faible ou moyenne réplication après la primo-infection et plus particulièrement lors de la séroconversion AgHBe/AcHBe.
Dans la phase de réplication précédant la séroconversion AgHBe/AcHBe, 2 mécanismes différents se juxtaposent :
                               la nécrose du tissu hépatique qui s'accompagne d'une forte réaction inflammatoire ainsi que d'une régénération.
                               l'interaction du génome viral avec le génome des hépatocytes infectés qui échappent à l'action cytotoxique du système immunitaire défaillant.
Il n'est pas encore possible d'établir assurément les relations existantes entre la cirrhose hépatique et le développement d'un hépatocarcinome mais il est admis que la probabilité d'apparition de ces 2 types de lésions est liée à la durée pendant laquelle le virus a perpétué son activité de réplication.
On peut donc dire que le système immunitaire fait correctement son travail et que la différence entre les  90% de gens qui guérissent de la B et les 10% qui chronicisent ou font des hépatites fulminantes se situe dans la nature et le degré de réponse de l’immunité face aux protéines virales de la nucléocapside exprimées dans les cellules du foie.


 BURNET sir FRANCK MACFARLANE (1899-1985)
Diplômé de médecine en 1923 à l’université de Melbourne, Burnet fut chercheur (1926-1927) à l’Institut Lister de médecine préventive à Londres. Il devint directeur adjoint de l’Institut Walter et Eliza Hall de recherche médicale à l’hôpital royal de Melbourne en 1928, puis en 1944 fut promu directeur et professeur de médecine expérimentale à l’université de Melbourne.
Burnet formula en 1949 la prédiction que la tolérance est une propriété générale de tout système immunologique, au même titre que la production d’anticorps. Le but des recherches semblait être le suivant: montrer que si l’on soumet un embryon à l’action d’un antigène, il se comportera à son égard comme à l’égard de ses propres constituants et la tolérera ensuite pendant toute sa vie. Les premières tentatives entreprises par Burnet et Fenner aboutirent à des échecs, en raison notamment de la nature des antigènes employés (globules rouges et virus).
Outre ses travaux sur les greffes humaines, Burnet découvrit une méthode d’identification des bactéries par les bactériophages qui les attaquent, et il mit au point une technique (désormais de pratique courante dans les laboratoires) de culture des virus sur les embryons vivants de poulet. Par ses recherches sur les virus, il accrut nos connaissances sur le caractère infectieux du virus de la grippe et accéléra la victoire sur des maladies telles que la myxomatose, la fièvre de la vallée du Murray (arbovirose du groupe B) et la fièvre Q. Il isola l’agent de la fièvre Q: Rickettsia burneti ou Coxiella burneti.
Parmi ses publications, il faut citer: Les Virus et l’homme (1953), Principes de virologie animale (1955), et Théorie de l’immunité acquise fondée sur la sélection clonale (1959).
Il partagea avec Peter Medawar le prix Nobel de médecine (1960) pour ses travaux sur la tolérance immunologique.
[2] Apparition de la séropositivité (caractère d'un sérum contenant des anticorps pour un antigène donné) après un délai d'incubation d'une maladie
 

Publié dans hepatite-c

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