18 - Traitements, j’en redemande encore

Publié le par Billy Rubin

18
Traitements, j’en redemande encore…
Le traitement de base pour l'hépatite C, le premier, c'est l'Interféron. C'est quoi ce machin ? Ce n'est pas une invention, tout le monde a, fabrique, possède des Interférons.
L’interféron, ou plutôt les interférons, constituent une famille de protéines sécrétées naturellement par l’organisme et douées d’un grand pouvoir biologique. Si on les a considérés au début comme un moyen de défense précoce et non spécifique de l’organisme contre les infections virales, les interférons ont également d’autres effets, cellulaires, anti tumoraux et immunologiques.
L’interféron a été mis en évidence –   et ainsi nommé –   pour la première fois en Angleterre en 1957 par l’anglais Isaacs et le Suisse Lindenmann, dans l’œuf embryonné de poulet. On connaît aujourd’hui des interférons chez tous les Vertébrés.
Propriétés
L’interféron ne possède aucune action inactivatrice directe sur les virus. Il a en général une spécificité d’espèce, c’est-à-dire qu’il n’est actif que dans l’espèce où il a été produit. En revanche, il ne possède pas de spécificité virale, car il agit contre pratiquement tous les virus. On connaît maintenant les propriétés moléculaires des interférons, qui peuvent être classés en trois grands types:
–   l’interféron a, sécrété par les leucocytes du sang ou par des lignées cellulaires qui en dérivent en réponse à une infection virale. Cet interféron est en général très stable, résistant au pH acide. Chez l’homme, on en connaît une quinzaine de sous-espèces, toutes codées par des gènes situés sur le chromosome   9. Plusieurs de ces gènes ont été clonés dans des bactéries ou des levures, ainsi reprogrammées pour produire les interférons correspondants en grande quantité (interférons a1 a2 b ou a)
–   l’interféron  b, qui est une glycoprotéine (contenant des sucres) et est sécrété par différents types cellulaires, notamment en culture, en réponse à des infections virales ou à l’action d’inducteurs chimiques (acides ribonucléiques bicaténaires). Chez l’homme, on n’en connaît avec au moins deux gènes, situés sur le chromosome   9.
Interférons b et a présentent une certaine homologie de séquences, d’où leur fixation sur des récepteurs cellulaires communs.
–   l’interféron  g, sécrété par les lymphocytes du sang en réponse à un inducteur antigénique spécifique, ce qui suggère qu’il joue un rôle dans la réponse immunitaire. Cet interféron est également une glycoprotéine, instable quand elle est purifiée, et notamment très sensible au pH acide. La séquence en acides aminés de cet interféron est très différente des interférons a et b, d’où sa fixation sur un récepteur cellulaire distinct.
Production
Les gènes qui codent pour l’interféron sont normalement «silencieux.» Pour que les interférons soient synthétisés, il faut qu’il y ait action de certains inducteurs, soit de molécules d’ARN bicaténaires d’origine virale, ou synthétiques (poly I, poly C). Des protéines virales, des endotoxines bactériennes, des antigènes (interféron g) sont également de bons inducteurs.
L’interféron peut être produit in vivo par injection de l’inducteur dans le corps de l’animal lui-même. Dans le premier cas, il est recueilli dans le milieu de culture cellulaire quelques heures plus tard. Il est, dans ce cas, généralement recherché dans le sérum de l’animal, ou dans l’extrait obtenu après broyage d’un organe donné (rate, cerveau). Il peut aussi être produit in vitro, dans des cultures cellulaires (globules blancs, fibroblastes fœtaux) ou des cultures bactériennes programmées à cet effet par génie génétique.
Mode d’action
Le mécanisme d’action des interférons est complexe et multiple, ce qui n’est pas étonnant puisqu’il agit sur des virus dont les modes de réplication sont très différents. D’autre part, il a encore des effets directs sur les cellules, leur multiplication, leur différenciation, et également dans l’organisme, dans la régulation de l’immunité cellulaire et humorale. On peut dire que les interférons jouent le rôle d’hormones d’alarme, qui constituent une des premières défenses (prête en quelques heures) de l’organisme contre des agressions diverses, en particulier virales, avant que ne se constituent des défenses immunitaires spécifiques.
Existence de récepteurs spécifiques à la surface cellulaire
Comme les autres hormones de nature protéique, l’interféron, pour agir, doit d’abord se fixer sur des récepteurs spécifiques situés à la surface cellulaire. Ensuite, le complexe interféron-récepteur est englobé à l’intérieur de la cellule (internalisation) et subit probablement des modifications qui constituent un ou plusieurs signaux pour la cellule: des gènes jusque-là silencieux sont exprimés et de nouvelles protéines apparaissent dans la cellule, qui permettent de résister efficacement à une infection virale. La membrane de la cellule est également modifiée.
Les nouvelles protéines intracellulaires qui apparaissent ou sont activées par l’interféron ne sont pas toutes identifiées; cependant on en connaît au moins deux, de nature enzymatique:
–   le système 2-5A   : une des enzymes est une polymérase capable de synthétiser un court fragment d’acide nucléique à partir d’ATP. C’est la 2-5A synthétase. Les courts polymères synthétisés (dits 2-5A oligonucléotides) sont de puissants activateurs d’une enzyme préexistant dans la cellule, une ribonucléase qui dégrade les ARNs de la cellule qu’elle rencontre, ARNs d’origine virale, mais aussi ARNs cellulaires. Ceci peut expliquer que l’interféron aurait également des effets inhibiteurs, non seulement sur le virus, mais aussi sur la cellule infectée ou non infectée. Une autre enzyme détruit le 2-5A, ce qui rend l’effet seulement transitoire et permet éventuellement à la cellule de revenir à son état antérieur.
–   le système   protéine-kinase   : la seconde enzyme identifiée est capable de phosphoryler des protéines et ainsi de modifier leurs fonctions. Certaines de ces protéines ont un rôle dans la traduction   des ARN messagers en protéines au niveau des ribosomes. Il est donc probable que l’activation de ce système par l’interféron ou par un signal provenant de l’interféron aboutisse également à une inhibition de la synthèse de protéines virales ou cellulaires.
Ces deux mécanismes, qui visent à diminuer la synthèse des protéines virales, ne sont pas les seuls. Il existe également des effets membranaires   de l’interféron, peut-être liés directement à l’interaction de l’interféron avec son récepteur membranaire. Ces effets sont en particulier très importants dans le cas de l’infection par des virus à enveloppe membranaire: la pénétration aussi bien que la sortie du virus, qui impliquent des interactions très spécifiques des protéines de l’enveloppe virale avec des protéines de la membrane cellulaire, sont ainsi grandement perturbées. L’interféron pourrait également agir à un niveau central, au niveau de la réplication de l’ADN et de sa transcription en ARN messager.
En général, l’interféron a des effets inhibiteurs sur la multiplication cellulaire, mais à des doses notablement plus fortes que celles qui ont une activité antivirale dans les mêmes cellules. Il existe cependant des exceptions, certaines cellules en culture sont très sensibles, d’autres très résistantes à cette action, sans que la raison en soit connue. Quant aux effets immunologiques, certains découlent de cet effet anticellulaire, telle la dépression des immunités cellulaires et humorales contre un antigène donné. D’autres effets semblent plus spécifiques, tels que l’activation des macrophages, des lymphocytes tueurs naturels (cellules NK), des lymphocytes cytotoxiques.
L’interféron en thérapeutique
Dès sa découverte, l’interféron a suscité de grands espoirs, en premier lieu dans la lutte contre les maladies virales graves. Après des premiers essais avec des doses très faibles, les efforts se portèrent, à partir de 1965, sur les inducteurs d’interféron, tels le poly   (I). poly   (C) (ARN bicaténaire synthétique). Cet inducteur est effectivement très actif chez la souris, mais il l’est moins chez l’homme tout en étant toxique. Cependant, l’idée de stimuler la production d’interféron par l’organisme plutôt que de lui donner de l’interféron fabriqué artificiellement est intéressante, et n’est pas complètement abandonnée. Néanmoins, à partir des années soixante-dix, la production à grande échelle d’interféron à partir des globules blancs fournis par des centres de transfusion sanguine, effectuée notamment par le Finlandais Cantell, a permis de reprendre des essais cliniques sur des maladies virales et aussi tumorales. En effet, des expériences effectuées d’abord en France (Chany, Gresser) avaient montré des effets inhibiteurs très nets de l’interféron de souris sur des tumeurs expérimentales de cet animal. Effectivement, des résultats encourageants furent obtenus avec ces préparations d’interféron, qui n’étaient pas complètement pures, sur des ostéosarcomes juvéniles ainsi que sur des papillomes juvéniles du larynx. Ces résultats ont soulevé, à partir de 1975, un grand intérêt et stimulèrent les efforts de puissantes firmes pharmaceutiques pour la production d’interféron.
La difficulté à produire à des coûts acceptables les quantités d’interféron nécessaires à la thérapeutique antitumorale fut tournée dès 1980 par le clonage des gènes des interférons a et b, puis g et leur expression en bactéries ou levures. Ces interférons furent ainsi, après l’insuline et l’hormone de croissance, parmi les premières molécules à être synthétisées grâce aux techniques de génie génétique. Cependant, alors que l’interféron naturel d’origine leucocytaire est un mélange de sept à dix sous-espèces, chaque clone bactérien ne produit qu’une seule sous-espèce. Actuellement, c’est l’interféron a 2 (ou D) qui est le plus utilisé dans les essais thérapeutiques. Du fait que tous les effets obtenus avec l’interféron naturel n’ont pas été tous retrouvés avec cet interféron, il est probable que pendant une période assez longue, l’interféron d’origine naturelle sera encore utilisé, et que se poursuivront des essais de mélange de plusieurs espèces d’interféron produits par les micro-organismes.
Les interférons sont en théorie des médicaments de choix car ils induisent dans les cellules des processus antiviraux et inhibent la réplication intracellulaire de la plupart des virus connus:
1.   Maladies virales graves   :
–   Infections graves dues aux virus du groupe de l’herpès: varicelle grave des immunodéprimés, zona, encéphalite herpétique, kératite herpétique, conjonctivites et kératites à adénovirus.
–   Hépatite virale active. Il faut noter que dans la plupart des cas, il est préférable d’associer l’interféron aux autres traitements connus, tels que la chimiothérapie antivirale (acyloadénosine, ara-adénine, etc.).
2.   Tumeurs   bénignes, mais récidivantes ou pouvant conduire à une cancérisation: papillomes du larynx, condylomes ano-génitaux (causés par des papillomavirus).
3.   Tumeurs malignes   : métastases cutanées de cancer du sein, tumeurs secondaires du mélanome, sarcome de Kaposi; cancer du rein; myélomes; lymphomes; leucémies à tricholencocytes, myéloïdes chroniques et hémopathies.
Là aussi, il faut noter que l’interféron à lui tout seul a peu de chances de faire régresser une grosse tumeur, mais qu’il doit être associé ou alterné avec d’autres traitements plus classiques.
Effets secondaires de l’interféron
L’interféron, notamment en traitement prolongé et à haute dose, n’a pas que des effets bénéfiques. Il produit d’abord des effets mineurs, mais qui peuvent être mal tolérés, tels que fièvre, asthénie, nausées, douleurs, alopécie, lymphopénie, etc. Des accidents cardiaques chez des malades cancéreux en phase terminale ont également quelquefois été observés, mais ils semblent plutôt dus à une synergie entre l’interféron et un traitement chimiothérapique antérieur (adriamycine).
Enfin, les travaux du groupe de I.   Gresser ont montré qu’à très haute dose, l’interféron peut avoir des effets toxiques (hépatite, néphrite) sur l’animal nouveau-né ou jeune.
En conclusion, l’interféron, comme tous les produits biologiquement très actifs, doit être manié avec prudence et discernement. Beaucoup de recherches, tant fondamentales que cliniques, restent à accomplir pour préciser son avenir thérapeutique surtout pour essayer de contenir et atténuer les effets secondaires.
 
 Interférons alpha recombinants 2a et 2b
Les interférons alpha recombinants 2a et 2b ont obtenu une AMM dans l'hépatite C en France en 1991. La posologie usuelle (en ville ; Laroféron -laboratoire Roche- et Viraféron -Schering Plough-) est de 3 MU trois fois par semaine. Généralement, le malade se fait lui-même facilement les injections (ce qui est particulièrement simple avec le Viraféron stylo). L'augmentation des doses d'IFN administré trois fois par semaine (6 MU) accroît un peu le taux de réponse sous traitement mais pas celui des réponses prolongées (transaminases normales et PCR négative 6 mois après la fin du traitement). L'induction utilise une posologie quotidienne et des doses parfois plus élevées. Elle a permis d'obtenir des résultats encourageants.
L'interféron pégylé (IFN-PEG) est constitué d'interféron  standard conjugué à du polyéthylène glycol (PEG.)
Le PEG diminue la clairance et augmente la 1/2 vie de l'IFN : une injection hebdomadaire permet d'obtenir un concentration  plasmatique plus stable que 3 injections d'IFN standard par semaine.
Deux IFN-PEG sont produits :
-                      Schering Plough commercialise le Viraféron-Peg où l'IFN alpha 2b est conjugué à un PEG linéaire de 12 kD. Ce produit bénéficie actuellement d'une AMM.
-                       Roche a mis au point le Pegasys où l'IFN alpha 2a est conjugué à un PEG ramifié de 40 kD.
Il est possible que ces différences de pégylation entraînent des différences de pharmacocinétique et d'efficacité, mais on ne dispose pas actuellement de véritable étude comparative.
 
 Autres interférons
Les autres interférons ne sont pas actuellement utilisés en France. Ce sont les suivants :
-                      IFN lymphoblastoïde : le taux de réponse complète prolongée semble au moins équivalent à celui de l'IFN recombinant alpha ;
-                      IFN « consensus » : utilisé aux États-Unis. Disponible en France depuis début 2002. Une étude a suggéré un meilleur taux de réponses prolongées ;
IFN bêta-recombinant : peu d'études disponibles actuellement

Publié dans hepatite-c

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article