Fibrose et tests de détection.

Publié le par Billy Rubin

Histoire naturelle de l'hépatite C
La conséquence majeure de l’hépatite C est sa chronicité et la progression vers la cirrhose et ses complications: hémorragie, insuffisance hépatique et cancer primitif du foie.
La compréhension de la dangerosité de l’infection par le VHC a mieux été comprise grâce au concept de la progression de la fibrose (1-3) (Figure 1). La fibrose est la conséquence délétère mais variable de l’infection chronique. Elle est caractérisée par le dépôt de matrice extracellulaire conduisant à la destruction de l’architecture normale du foie, avec survenue d’anomalies de la micro-circulation et des fonctions cellulaires. Les complications mortelles surviennent quasi exclusivement après constitution de la cirrhose, stade ultime de la progression de la fibrose. L’estimation de la vitesse de progression de la fibrose est donc un excellent marqueur de gravité et de vulnérabilité d’un individu, très utile pour évaluer l’histoire naturelle et l’impact des traitements.
Figure 1: Le modèle de progression de la fibrose de la contamination aux complications
Les chiffres clés de l’histoire naturelle de l’hépatite C estimés à partir de la littérature et nos cohortes sont : 30 ans pour la durée médiane entre la contamination (F0) et la cirrhose (F4) ; 50% pour la mortalité à 10 ans de la cirrhose ; 3 % pour la probabilité annuelle de survenue de chacune des complications de la cirrhose.
Stades de fibroses et grades d'activité nécrotico-inflammatoire
La fibrose et l’activité sont les deux paramètres histologiques majeurs de l’hépatite chronique C. Plusieurs classifications ont été proposées (4-7). La classification METAVIR est une des quelques classifications validées. Elle utilise deux scores distincts, un pour le grade des lésions nécrotico-inflammatoires (A pour activité) et un autre pour le stade de fibrose (F). Les définitions de ces scores sont : stades de fibrose (F) (Figure 2): F0 = pas de fibrose, F1 = fibrose portale sans septa, F2 = fibrose portale avec des rares septa, F3 = nombreux septa sans cirrhose, F4 = cirrhose. Grades d’activité (A): A0 = pas d’activité, A1 = activité minime, A2 = activité modérée, A3 = activité sévère. Le grade d’activité est déterminé en fonction de la sévérité de la nécrose péri-portale (parcellaire) et de la nécrose portale comme cela a été décrit par un algorithme simple (12). Les variations intra- et inter-observateurs des scores METAVIR sont plus faibles que celles des scores de Knodell (9-10). Pour le score de fibrose METAVIR la concordance entre pathologistes est presque parfaite (kappa=0.80). Un autre défaut du score de Knodell est sa non-linéarité. Il n’existe pas de stade 2 pour le score de fibrose (extrêmes 0-4) et le grade d’activité varie de 0 à 18 selon la somme des scores de nécrose péri-portale, de nécrose centro-lobulaire et de l’inflammation portale. Le score modifié de Knodell ("Histological Activity Index") est plus détaillé avec 4 lésions élémentaires et un score de fibrose incluant 6 stades.
Le grade d’activité, qui représente la nécrose, n’est pas un bon facteur prédictif de fibrose (8). En fait c’est le stade actuel de fibrose qui est le meilleur marqueur de fibrogénèse (1-3). Aucune étude n’a pu démontrer que le grade d’activité était prédictif de progression de la fibrose indépendamment du stade de fibrose (9-10). Le stage de fibrose et le grade d’activité sont corrélé mais pour un tiers des patients il y a des discordances. Pour les cliniciens une activité histologique significative n’est pas un marquer de maladie sévère. Finalement les tableaux d’hépatite sévère ou fulminate observées pour les médicaments ou le virus HBV sont exceptionnelles pour le VHC. Même chez les sujets immunologiquement déprimés les épisodes de poussée aiguë sont très rares pour l’hépatite C.
Figure 2: Score de fibrose METAVIR
F0 foie normal (pas de fibrose). F1= fibrose portale. F2= quelques septa. F3= nombreux septa. F4= cirrhose
 
 

 

La vue dynamique de la progression de la fibrose
Le stade de fibrose est un excellent résumé de la vulnérabilité d’un patient et est très prédictif de la progression ultérieur vers la cirrhose (1-3). Il existe une corrélation presque linéaire entre le stade de fibrose et l’âge à la biopsie et la durée de l’infection. Cette corrélation n’est pas observée pour le grade d’activité.
Du fait de cette valeur prédictive, le clinicien a intérêt a estimer la vitesse de progression de la fibrose. La distribution des vitesses de progression suggère la présence d’au moins trois populations: une population de "fibroseurs rapides", une population de "  fibroseurs intermédiaires " et une population de " fibroseurs lents " (Figure 3). L’expression de la vitesse progression de la fibrose par année (stade à la première biopsie/ durée de l’infection) est un outil utile mais ne veut pas dire que la progression vers la cirrhose est universelle et inévitable. Chez les patients non-traités le délai médian entre contamination et cirrhose est de 30 ans; 33% des patients ont un temps médian inférieur à 20 ans et 31 % des patients ne progresseront pas vers la cirrhose ou en plus de 50 ans (Figure 3).
Les limites de tous les estimateurs de fibrose sont (i) la difficulté d’obtention de biopsies répétées, (ii) la nécessité de grands échantillons de patients pour obtenir une puissance suffisante (iii) la variabilité de distribution de la fibrose. La durée entre deux biopsies répétées est le plus souvent courte (souvent entre 12 et 24 mois), et donc le nombre d’évènements (transition d’un stade à un autre) est rare. Les analyse sur les vitesses de progression de la fibrose nécessitent donc de grands effectifs ou des grandes durées pour observer des différences significatives. Les variations de vitesse de progression sont difficiles à étudier pour les mêmes raisons. Les modélisations récentes ont montré que la progression était grossièrement linéaire par décennies (1-3). Finalement la biopsie hépatique est limité par sa technique qui ne donne qu’un échantillonnage. Un minimum de 10 mm de longueur est requis pour l’évaluation du score de fibrose.
Les facteurs associés à la progression de la fibrose
Les facteurs associés où non à la fibrose sont résumés dans le tableau 3. Les facteurs clairement associés à la progression sont (1-3,10-18): la durée de l’infection, l’age, le genre masculin, la consommation élevée d’alcool, la coinfection VIH et un taux bas de CD4. Les deux facteurs majeurs associés à la progression vers la cirrhose sont l’âge et le sexe (1-3).
Age
Le rôle du vieillissement dans la vitesse de progression de la fibrose pourrait être du à une plus grande vulnérabilité aux facteurs d’environnement, au stress oxydatif, à la réduction du débit sanguin, à une faiblesse mitochondriale ou a une diminution des capacités immunes. L’effet de l’age sur la vitesse de progression de la fibrose est si important que la modélisation de l’épidémie d’hépatites C et de ses conséquences est impossible si on ne tient pas compte de l’âge. La probabilité estimée de progression de la fibrose par an pour un homme est 300 fois supérieure entre 61 et 70 ans par rapport à la progression entre 21 et 40 ans.(Figure 4)
Genre
Pour les femmes la vitesse de progression est 10 fois moins rapide que chez les hommes et cela indépendamment de l’age. Il est possible que les oestrogènes puissent expliquer ces différences. Les œstrogènes modulent la fibrogénèse dans des modèles expérimentaux, bloquent la prolifération et la fibrogénèse des cellules stellaire en culture primaire, et modifient l’expression du transforming growth factor et d’autres médiateurs.
Alcool
Le rôle de la consommation d’alcool a été établie pour des doses quotidiennes supérieures à 40 grammes. Pour des doses inférieures les études sont discordantes avec même des études suggérant un effet protecteur pour de faibles doses. Dans la mesure où la quantité réelle d’alcool consommé est difficile a estimer les conclusions doivent être prudentes. Il semble toutefois que l’influence de l’alcool à forte dose soit indépendante de l’age et du sexe.
Co-infection VHC et VIH
Plusieurs études ont démontré que les patients coinfectés par le VHC et le VIH ont une vitesse de progression de la fibrose plus élevée que des contrôles même après ajustement pour l’âge, le sexe et la consommation d’alcool (Figure 5). Un patient co-infecté VHC-VIH avec moins de 200 lymphocytes CD4 /µL et buvant plus de 50 g d’alcool par jour ont une durée estimée médiane de 16 ans entre contamination et cirrhose versus 36 ans pour un patient VHC-VIH ayant plus de 200 lymphocytes CD4 /µL, buvant moins de 50 g d’alcool par jour (Figure 6).
Facteurs viraux
Le génotype, la charge virale le jour de la biopsie, et les quasi-espèces ne sont pas associés avec fibrose. Il existe peu d’études concernant les facteurs suivants et on ne peut encore conclure: fluctuations de la quantité de VHC, profil des cytokines intra hépatiques, génotype HLA, hétérozygote pour le gêne de l’hémochromatose C282Y, et la consommation de cigarette.
Risque de fibrose chez les patients avec transaminases normales
Les patients infectés par le VHC (PCR positif) avec des dosages répétés normaux de l’activité sérique des transaminases ont en moyenne des vitesses de progression de la fibrose plus faible que les patients contrôles appariés sur l’âge et le sexe (Figure 7). Toutefois plus de 15 % de ces patients ont des vitesses de progression de la fibrose non négligeables (modérée ou rapide). Donc la biopsie devrait être recommandée chez ces patients. Si le patient a une fibrose septale le traitement doit être considéré.
Table 1: Facteurs associés ou non à la progression de la fibrose
Associés en analyse uni et multivariée
Incertain
Non associée
Age à la contamination
Nécrose
Dernière charge virale
Durée de l’infection
Inflammation
Génotype
Age à la biopsie
Hétérozygotie pour le gêne de l’hémochromatose
Mode de contamination
Consommation d’alcool > 50g par jour
Consommation de cigarettes
Antigènes HLA DR
Coinfection VIH
Stéatose
Charge virale intra-hépatique
Lymphocytes CD4 < 200/ml
Index de masse corporelle
Complexité HCV-HVR1
Sexe masculin
Consommation d’alcool modérée
 
Stade de Fibrose
 
 
Figure 3: Progression de la fibrose chez les patients atteints d’hépatite chronique C, non traités.
 
 
 
 
La durée médiane entre contamination et cirrhose est de 30 ans (Fibroseurs intermédiaires). 33% des patients ont une médiane inférieure à 20 years (Fibroseurs rapides). 31 % ne vont jamais progresser vers la cirrhose ou en plus de 50 ans (Fibroseurs lents)
Figure 4: Probabilité de progression de la fibrose vers la cirrhose (F4) en fonction de l’age à l’infection. Modélisation chez 2313 patients avec une durée connue d’infection.
 
 
 
 
Figure 5: Progression de la fibrose parmi les patients coinfectés par le VHC et le VIH La vitesse de progression de la fibrose est significativement plus élevée chez les patients coinfectés VIH-VHC par rapport à des patients infectés par le VHC seul et appariés sur les facteurs de risque de fibrose (age, sexe, alcool).
 
 
 
 
Figure 6: Progression de la fibrose parmi les patients coinfectés par le VHC et le VIH La vitesse de progression de la fibrose est significativement plus élevée chez les patients avec un taux de CD4 < 200 par mm3 et buvant plus de 50 grammes d’alcool par jour
 
 
 
 
Figure 7: Progression de la fibrose chez les patients avec transaminases ALT normales (au moins 3 fois) et PCR VHC positive
La vitesse de progression de la fibrose est significativement plus lente par rapport à des patients avec transaminases ALT élevées et appariés sur les facteurs de risque de fibrose (age, sexe, alcool).
 
 
 
 
 
Références
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Publié dans hepatite-c

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N
Mon frere a une fibrose f3 il ne boit pas d alcool mais il fume beaucoup .la fibrose il le la suite a l hepatite c . Il a 48 ans et je le vis tres mal et je cherche des reponses
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