11- Tiens voilà la C…

Publié le par Billy Rubin

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Tiens voilà la C…

 Ah les ricains ! On dira ce qu’on veut sur eux mais ils ne font pas qu’aller sur la lune avec leurs dollars. L'identification en 1988 du virus de l'hépatite C par une équipe américaine fut un temps aussi fort dans l'histoire des hépatites que celui où l'on découvrait l'antigène Australie pour la B.

 

Pendant plus de quinze ans de recherche, ils en ont chié comme des russes. Avant cet épisode, faute de mieux, on définissait la maladie par ce qu'elle n'était pas : hépatite non A non B (NA-NB). La solution à l'énigme NA-NB a été fournie par une équipe de chercheurs des Laboratoires Chiron en Californie, dirigée par Michael Houghton. Cette équipe a choisi d'isoler à partir d'un sang réputé infectieux tous les acides nucléiques (ARN)[1], d'aboutir à leur empreinte et à leur traduction sous la forme de protéines.
L'une des protéines ainsi produites a réagit avec un sérum riche en anticorps contre le virus NA-NB. La première protéine de l'agent recherché fut donc découverte. Cette protéine permis d'identifier deux fragments du génome viral après cinq années d'un travail laborieux et un million de clones testés. Ces deux fragments ont permis de définir ensuite la totalité du matériel génétique du virus qui reçu le nom de virus de l'hépatite C (VHC ou HCV chez les anglo-saxons).
Cette découverte issue du développement de la biologie moléculaire, a permis de mettre au point des tests de dépistage qui consistent à repérer des anticorps (anti VHC) fabriqués par l'organisme et dirigés contre le virus.
Le nouvel agent est apparu comme un petit virus, de moins de 80 nm de diamètre pourvu d'une enveloppe lipidique et contenant un ARN simple brin de 10.000 nucléotides. C'est un virus apparenté au flavivirus (une famille qui compte aussi le virus de la fièvre jaune) et aux pestivirus. Le génome du virus de l’hépatite C comporte une région structurale qui code pour les protéines de la capside et de l'enveloppe virale et une région non structurale qui code pour différents enzymes (protéase, hélicase et ARN polymérase).En l'absence de système de culture facilement disponible, il a été impossible de tester la sensibilité de ce virus aux différents désinfectants.
Comme tous les virus à ARN responsable d'infection chronique, le virus de l'hépatite C est caractérisé par la grande variabilité de son génome. Cette variabilité est à l'origine de l'émergence au cours du temps de génotypes viraux (types et sous types) et de la distribution en quasi-espèces du virus chez les sujets infectés.
a .1. Génotypes
II faudrait mieux parler des virus de l'hépatite C puisque l'on connaît l'existence d'au moins 6 souches différentes (génotypes) dont la distribution varie selon les régions du monde. Dans les pays industrialisés comme la France, les génotypes les plus fréquemment rencontrés dans des proportions variables sont les génotypes l (la et lb), 2 et 3. Le génotype 4 est particulièrement fréquent en Afrique noire et au Moyen-Orient. Le génotype 5 est exclusivement présent en Afrique Australe et le génotype 6 à Hongkong. Certains génotypes semblent fortement associés à des modes de transmission particuliers sans être toutefois pathognomoniques. C'est le cas du génotype lb et de la transfusion sanguine et des génotypes la et 3a et de la toxicomanie intraveineuse.
Sur la base des travaux les plus récents, le génotype ne semble pas conditionner la sévérité de la maladie du foie. En revanche, le génotype influence la réponse au traitement.
a.2. quasi-espèces
Pour clore ce chapitre difficile, il faut savoir que le virus C circule chez un malade infecté, sous la forme d'un mélange complexe en équilibre instable de variants viraux sur lesquels siège une ou plusieurs mutations. La « quasi-espèce » est l'ensemble des populations ou souches virales présentes à un instant donné au cours de l'infection d'un malade donné.
Le virus de l'hépatite C se transmet essentiellement par le sang, par les produits du sang et à l'occasion d'une piqûre avec une aiguille contaminée. Sa transmission est dite parentérale résultant de la mise en contact direct du sang d'un sujet indemne avec celui d'un sujet infecté.
Contrairement à une crainte très répandue, la contamination sexuelle de ce virus peut être qualifiée de rarissime si tant est qu'elle existe. Il en est de même pour la transmission à l'intérieur de la famille avec un minimum de précautions. Par contre, la transmission de la mère à l'enfant est possible mais rare.
La transfusion par le sang et les produits sanguins
La transfusion de sang a été la première cause reconnue d'infection par le virus C. Elle a joué un rôle important dans la diffusion de ce virus jusqu'en 1990. Le dépistage de l'hépatite C (comme pour le virus B) a été appliqué aux donneurs de sang dès la découverte du test qui remonte à 1989.
Ce dépistage a considérablement diminué le risque d'hépatite post transfusionnelle. Si ce risque n'est pas nul, il est désormais proche de zéro. Pour certains produits dérivés du sang (seuls susceptibles d'être traités par chauffage ou solvants détergents) la transmission était très fréquente et notamment chez les hémophiles. La quasi-totalité des hémophiles utilisant des produits non traités a été infectée par le virus de l'hépatite C. L'utilisation dès 1987 d'une méthode de traitement des produits de la coagulation par solvant détergent a supprimé cette infection chez les hémophiles.
La toxicomanie intraveineuse
Ce mode de contamination peut être considéré comme majeur puisque 80 % des toxicomanes ou anciens toxicomanes ont rencontré ce virus. Ce mode de transmission s'est développé à la fin des années 60 dans une population jeune.
Malgré la prise de conscience du risque d'infection par le virus du SIDA, ce risque ne semble pas décroître. Sa persistance pourrait être liée au partage de la seringue lors des premières expériences, à l'occasion d'un séjour en prison ou encore du partage de petit matériel nécessaire aux injections (cotons filtrants, bouteille d’eau collective.)
La transmission du virus semble également possible chez les toxicos qui inhalent les drogues (cocaïne ou autres). Le partage de la paille pour « sniffer » et la présence de lésions de la muqueuse nasale pourraient expliquer ce mode de contamination.
 Les tatouages, le percement d'oreille
Le virus de l'hépatite C peut profiter de n'importe quelle effraction avec une aiguille contaminée pour infecter un sujet vierge.
Un tatouage ou un percement d'oreille avec un matériel non stérile représentent un mode de contamination possible. Ceci est à rapprocher des séances d'acupuncture, de la mésothérapie (injections localisées notamment contre les allergies et le tabagisme) lorsque qu'elles ne sont pas réalisées avec du matériel à usage unique.
 La contamination par du matériel médical infecté dite « nosocomiale »
Ce mode de transmission a pu être fréquent dans les années 50-70 quand les injections ou les actes chirurgicaux se faisaient avec du matériel qui n'avait pas les normes de désinfection qu'il a pu acquérir au cours de ces dix dernières années. La découverte du virus du SIDA vers les années1985 a sensibilisé les médecins à ce risque. La transmission du virus de l'hépatite C de malade à malade a été démontrée de même que la transmission de médecin à malade. Le strict respect des conditions d'hygiène universelles, l'utilisation du matériel médical à usage unique et l'application d'une désinfection très stricte devraient voir disparaître ce risque. Une polémique s'est récemment développée au sujet de l'endoscopie digestive. Néanmoins, les procédés de désinfection des endoscopes, utilisés depuis plus de 15 ans sont devenus de plus en plus draconiens. Ils permettent à condition d'être appliqués en totalité de supprimer tout risque de transmission virale. Le personnel soignant lui même est susceptible de s'infecter lors d'une piqûre accidentelle avec du matériel utilisé chez un patient porteur du virus C. Estimé entre 3 et 5 % ce risque peut atteindre 10 % lorsque le sujet source présente une multiplication virale.
 La transmission familiale
 La transmission familiale correspond à trois différents modes dont les deux premiers (sexuels et familial) peuvent être considérés comme exceptionnels.
 La transmission sexuelle
Elle a fait couler beaucoup d'encre à défaut de sperme. On l'a qualifiée de très rare. Elle peut être considérée comme inexistante. Si le virus a été retrouvé dans le sang menstruel, il a été très rarement retrouvé dans les sécrétions vaginales et dans le sperme. La séropositivité des partenaires est trouvée, dans en moyenne 10 % des cas.
 Elle est pratiquement toujours le fait d'un autre facteur de risque que la sexualité (transfusion, toxicomanie) ou d'un partage d'objets de toilette contaminés ou de pratiques sexuelles particulière : rapports sado-maso un peu appuyés.
  La transmission entre sujets vivant sous le même toit
Elle est aussi très rare ou inexistante. Elle pourrait être liée au partage des objets de toilette lors d'une promiscuité forte et/ou de condition d'hygiène défectueuse.
 La transmission mère-enfant a été démontrée
Elle reste cependant rare. Ce risque est estimé à 3% en l'absence de co- infection par le virus du SIDA. Ce risque est plus élevé et peut atteindre 10 % lorsque les mères ont une infection double (VHC+VIH). La contamination du nouveau-né est liée à l'importance de la multiplication virale de la mère. Elle survient le plus souvent à la naissance. L'allaitement ne semble pas présenter de risque mais il reste, au moins en France, déconseillé.
 La transmission dite « inconnue »
Dans environ 20 % des cas aujourd'hui, la porte d'entrée virale reste inconnue, ce qui plonge les malades dans un grand désarroi. Comme le dit Pascal Melin président de SOS Hépatites : « la transmission n’est pas inconnue, mais c’est le mode de contamination qui n’est pas retrouvé, nuance. » Il faut savoir que l'infection est souvent très ancienne : elle a pu survenir 20 à 30 ans avant sa découverte. Les médecins évoquent le plus souvent un accès au sang méconnu. Certaines interventions anciennes ont pu comporter des transfusions dont le patient n'a pas été informé. Il est parfois difficile d'avouer une toxicomanie parfois très ancienne. Celui qui s’est injecté un ou deux shoots il y a trente ans, pour essayer comme les copains, et n’a pas continué dans cette voie, n’admettra jamais qu’il a été toxicomane même une seule fois. D'ailleurs souvent il était raide-déf au pétard ou à l'alcool et n'a pas le souvenir de son shoot. C’est pourtant souvent le premier shoot, celui qui initie, sous la direction d’un vieux routier de la pompe, qui est le SHOOT suffisant pour contaminer. Partage de l’eau, la seringue pompe dans la bouteille unique, parfois partage de la pompe, des cotons, de la cuillère etc. ça suffit largement.
 Une transmission a pu intervenir à l'occasion de soins médicaux réalisés il y a longtemps dans des conditions douteuses. Dans certains pays de forte prévalence comme le Japon, des scarifications rituelles ont pu être responsables de la transmission du virus de l'hépatite C.
Le virus de l'hépatite C est présent dans toutes les régions du monde. Il y a environ 150 millions de porteurs chroniques du virus de l'hépatite C dont 4 millions aux États-Unis et 5 millions en Europe de l'Ouest. La fréquence de l'infection est cependant variable. Elle est maximum en Égypte ou 25% de la population aurait rencontré le virus. Les autres zones de haute prévalence sont l'Afrique (6 %) le Japon et l'Europe du Sud (2 %).
La France se situe avec les États Unis et l'Europe de-1'Ouest dans une zone de prévalence intermédiaire : 1% de la population serait touchée par l’infection.  Les pays scandinaves, la Suisse, le Canada, l'Australie représentent des zones de faible prévalence. Dans ces pays, les tests sérologiques (anticorps anti VHC) sont positifs chez moins de 0,5 % de la population.
Une étude a été menée en 1994 chez les assurés sociaux de 4 régions de France. Elle a permis de préciser l'épidémiologie de l'infection dans notre pays. L'anticorps anti VHC a été recherché de façon systématique chez des assurés sociaux qui ont bénéficié d'un examen de santé. Cette étude a permis de révéler que 500.000 à 600.000 Français avaient été infectés par le VHC et que 80 % d'entre eux présentaient une multiplication virale. La fréquence de l'hépatite C était de l'ordre de 1,2 % avec des variations régionales importantes : 2 %en région PACA et moins de l % dans la région Centre. Dans cette étude réalisée il y a six ans, près de 80 % des porteurs du virus de l'hépatite C ignoraient leur état. L'interrogatoire à la recherche d'une porte d'entrée virale a été réalisé à la fois chez les sujets infectés et chez des témoins appariés sans infection. Cette comparaison a montré que les facteurs de risques essentiels d'infection par le virus de l'hépatite C étaient : les transfusions avant 1990, la toxicomanie et la précarité. On retrouvait 4 souches virales ou génotypes 1a et 3a chez les sujets de 20 à 39 ans et liés à une infection par toxicomanie intraveineuse, 1b et 2a plus fortement représentés chez les plus de 60 ans et plus souvent liés à une infection par transfusions.
Depuis la découverte du virus, l'épidémiologie de l'hépatite C s'est modifiée au fil du temps. Les médecins ont reçu de nombreuses incitations pour un dépistage ciblé de l'hépatite C. De ce fait, le nombre de sujets dépistés est probablement plus important qu'en 1994, date à laquelle seulement 20 % des sujets se savaient infectés.
Le profil des nouveaux malades pris en charge apparaît plus favorable : les malades sont moins âgés, plus souvent toxicomanes donc contaminés à un âge plus jeune, la maladie est moins sévère au moment du diagnostic.
Les nouvelles contaminations sont de plus en plus rares. La transfusion ne transmet plus d'hépatite. Les actes médicaux compte tenu de toutes les précautions prises depuis plus de 10 ans, sont de plus en plus surs. Pour toutes ces raisons, on peut raisonnablement penser que la découverte du virus a conduit progressivement à l'arrêt de la diffusion de la maladie (sauf peut être dans la population des toxicomanes) pour lesquels une véritable politique de réduction des risques liés aux drogues a été menée depuis plusieurs années mais est encore nettement insuffisante et souvent incomprise.
5000 à 600 000 malades de la C en France, environ 400 000 qui l’ignorent. Ça laisse rêveur ! à plus de dix mille balles le traitement par mois, une durée de traitement d’environ 8 mois en moyenne par malade, les labos ont de quoi se réjouir et Madame Sécu peut trembler dans son froc. Surtout si l’on rajoute les frais médicaux, visites, biopsies, examens et hospitalisation. Je ne calcule pas de si grosses masses de tune mais ça nous fait au moins une ou deux guerres du Golfe.


[1] Les acides ribonucléiques
Les acides ribonucléiques sont constitués par l’enchaînement d’un grand nombre de nucléotides du type: nucléobase – ribose - phosphate
On trouve les mêmes bases que dans les ADN, à cette différence près que l’uracile remplace la thymine. Selon leur masse moléculaire et selon la fonction qu’ils assument, on distingue trois classes principales d’acides ribonucléiques:
–          Les acides ribonucléiques de transfert ( ARN - t ) sont des enchaînements de quatre-vingts nucléotides environ; ils doivent leur nom au fait qu’ils servent à transporter les acides aminés activés au cours de la synthèse des protéines. La structure primaire de plusieurs de ces molécules a été déterminée.
–          Les acides ribonucléiques «messagers» ( ARN - m ) résultent de la transcription de l’ADN par des enzymes spécifiques, les transcriptases, et constituent le code génétique utilisé par les ribosomes pour la synthèse des protéines. La masse moléculaire des ARN messagers est variable selon la longueur de la protéine qu’ils ont à synthétiser.
–             Divers acides ribonucléiques macromoléculaires jouent un rôle primordial: d’une part les ARN constitutifs des virus à ARN (virus de la mosaïque du tabac, de la grippe, de la poliomyélite, etc.); d’autre part, les ARN constitutifs des ribosomes, particules du cytoplasme cellulaire au niveau desquelles l’assemblage des aminoacides permet la biosynthèse des protéines.

Publié dans hepatite-c

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